Vers une convergence des sciences sociales ?
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Voici une courte réflexion épistémologique : pas de références académiques, mais juste des brides de réflexions1. Pour nourrir la réflexion, on pourra se tourner vers cet article.
Il était une fois…
C’est l’histoire d’une anthropologue, d’une sociologue et d’un géographe qui discute lors de la pause déjeuner, et notamment des disparités de financement de thèses selon les disciplines2. L’anthropologue et la sociologue affirment ne pas voir la spécificité de la géographie vis-à-vis des autres disciplines.
« — mais, mais, mais… bredouilla le géographe. La géographie c’est la science qui étudie la relation entre les sociétés et la Terre !
— Ce qu’on fait ça aussi ! répondirent en cœur l’anthropologue et la sociologue.
— La géographie n’a rien inventé en termes de méthode, elle a tout piqué de la sociologie ! Ajouta la sociologue.
— Et à l’anthropologie ! Renchéris l’anthropologue. »
Quelle spécificité ?
Derrière cette courte histoire, inspirée d’une histoire vraie, se niche une réflexion : qu’est-ce que qui fait qu’une discipline se démarque des autres discipline ?
Est-ce le sujet d’étude ? Si on regarde l’étendu de la géographie et de la sociologie (je connais moins bien l’anthropologie), on peut voir que les thématiques se recoupent : questions environnementales, rapports de classes (se traduisant en géographie par l’étude de leur marquage spatiale…), les questions de genre… Donc ce n’est pas le sujet d’étude.
Est-ce des méthodes spécifiques ? L’anthropologie aurait son observation directe, la sociologie les entretiens semi-directifs… Mais, à ce qu’on voit, c’est que les sociologues n’hésitent pas à piquer des méthodes aux anthropologues, les géographes n’hésitent pas à voir ailleurs pour piquer des méthodes, toutes les disciplines piquent (et souvent mal…) la cartographie aux géographes…
Est-ce qu’on peut entendre discipline par réseaux de sociabilité avec des revues, des colloques… spécifiques à chaque discipline ? Peut-être, même si la tendance est de plus en plus à faire de l’interdisciplinarité, quitte à fusionner les laboratoires (mais ça, c’est une autre histoire).
Vers une convergence disciplinaire ?
Les fondateurs des disciplines avaient de multiples casquettes (géographes, anthropologues, sociologues, économistes, historiens…), et n’hésitaient pas à faire des ponts entre des disciplines. De plus, la géographie anglophone est de plus en plus structurée par sujet d’étude plutôt que par thématique (les quelque chose studies). Peut-être dirigeons-nous vers une convergence des disciplines, ces disciplines sœurs qui se sont tant fait la guerre pour se démarquer ? Les sciences sociales ont connu plusieurs tournants, ce qui a permis une percolation des concepts entre les disciplines (comme le tournant spatial), peut-être que ces différents tournants ne sont que les prémisses d’une convergence plus forte3. J’ai lu dans un bouquin que la géographie était un hall de gare4 où pouvaient dialoguer les autres disciplines : peut-être qu’elle pourrait jouer un rôle de catalyseur, d’entremetteuse pour faire dialoguer des disciplines qui s’ignorent (ou qui font semblant de s’ignorer).
Le titre est volontairement provoquant, mais la critique est souvent faite aux géographes de ne pas être une vraie discipline…↩︎
Mais ça, c’est une autre histoire…↩︎
Avec un socle théorique et méthodologique commun. Qu’on ne se trompe pas, on voit fleurir de plus en plus des licences interdisciplinaires avec de la géographie, la sociologie, l’anthropologie, etc.↩︎
a fortiori de par son histoire, la géographie avait pendant longtemps un penchant pour les sciences naturelles, ce qui se confirme notamment dans le monde anglophone. Ce rôle de dialogue entre sciences naturelles et sciences sociales est d’autant plus important à l’ère de l’anthropocène.↩︎