Bienvenue sur mon carnet de recherche
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C’est officiel, je me lance1 : je crée mon propre carnet de recherche. Derrière ce terme se cachent différentes pratiques d’écriture sur un blog scientifique et de médiation, bousculant l’organisation séquentielle et linéaire de la recherche scientifique.
Quel intérêt à ouvrir un carnet de recherche ?
Un tiers espace d’expression du chercheur
À chaque média sa spécificité. Si je laisse aux revues et autres médiums de publications scientifiques traditionnelles la partie purement scientifique (communication des résultats…), et à Twitter la partie « socialisation » avec d’autres chercheur⋅e⋅s (d’ailleurs, n’hésitez pas à me suivre), il me semblait intéressant de créer un « tiers espace », pour partager ce qui se passe autour de la recherche scientifique. En effet, de la recherche scientifique, on n’en voit que les fruits, le résultat final : publication des résultats dans une revue, communication dans un séminaire, poster, vulgarisation scientifique… Cette face émergée de l’iceberg est minuscule.
Je souhaite, à travers ce carnet, montrer les arrière-cuisines de la recherche, la recherche « en train de se faire », peu visible par le public. Je pourrais par exemple partager un retour d’expérience, les ficelles sur une méthodologie ou sur l’utilisation d’un logiciel. Je pourrais également évoquer la vie « à l’intérieur » de l’ESR, avec ses moments de joie, de doutes, ses contradictions… en partageant les retours d’expérience de ma vie de doctorant2. Je pourrais également évoquer des réflexions personnelles sur tel ou tel aspect du monde de l’ESR. Bref, donner à voir ce qui peut se passer à l’intérieur des laboratoires, la Science étant avant tout une aventure humaine avant d’être un classement des « meilleures3 » publications.
Une aide pour adopter une posture réflexive à sa pratique du métier
De manière plus personnelle, ce carnet a un rôle de catharsis. L’écriture scientifique étant très codifiée, avec une objectivisation et une distanciation très forte, des structurations syntaxiques et langagières fortes, il me semblait nécessaire de créer un espace de subjectivisation, où le « je » peut à nouveau s’exprimer (à travers le récit de sa propre expérience), et où l’écriture y serait moins contrainte par ce formalisme académique (le « je » remplaçant le « on » dépersonnalisant). Derrière se cache un processus réflexif sur nos propres pratiques, afin de pouvoir s’en distancier et les améliore. Je vois en ce carnet de recherche une opportunité d’expérimenter de nouvelles formes d’écritures. De manière plus anecdotique, je me dis que cela peut être une incitation à écrire, et à éviter le syndrome de la page blanche.
Pourquoi un carnet de recherche maison ?
Le stack technique
De manière technique, ce carnet tourne est généré à l’aide d’un script maison (en PHP) utilisant Pandoc, convertissant des fichiers markdown en HTML. Le texte est rédigé dans Zettlr, un éditeur Markdown particulièrement adapté au monde scientifique.
Être libre de sa ligne éditoriale
Le choix de cette solution par rapport à l’ouverture d’un blog sur hypotheses.org est motivé par un désir d’indépendance et de liberté de ton. Si Hypotheses.org permet une visibilité assez forte (sous-domaine identifié, intégration dans les bases de données de chercheurs), je trouve qu’il était plus intéressant d’avoir son propre système. En effet, Hypotheses.org impose, d’une certaine manière, une éditorialisation autour de projets scientifiques. J’en souhaite me réserver le droit de déborder de ce cadre afin d’expérimenter d’autres types de contenus, en relation avec ma vie de doctorant. Comme le rappel Marc Jahjah, nous faisons corps avec notre production intellectuelle, notamment dans le cas d’un blog. Il me paraît ainsi logique qu’il fasse partie du même espace que celui qui me sert de vitrine de mon identité numérique.
De plus, étant un partisan de la décentralisation du web, je me voyais mal rejoindre un silo, même s’il est géré de manière éthique par une structure publique. Il existe un flux de syndication sur ce site4, permettant de se tenir au courant des nouveautés : la visibilité est ainsi garantie. Comme pointe Arthur Perret, il s’agit non moins de réduire les dépendances (celle d’hypotheses.org), que de choisir en connaissance de cause ses propres dépendances (celui de mon hébergeur et de mes choix techniques).
Un espace d’expérimentation de l’écriture numérique
D’autre part, bien que Wordpress soit une bonne solution convenant à beaucoup de personnes, elle ne me convient pas quant à ma manière d’écrire5. Depuis de nombreuses années, j’expérimente l’écriture web en développant différents logiciels de blog, dynamiques ou statiques. À chaque fois, j’imagine de nouveaux workflows, de nouvelles manières de faire, pour correspondre à ma manière de fonctionner. Utiliser un logiciel de ma création permet ainsi d’expérimenter de nouvelles formes d’écritures numériques, permettant ainsi d’ajuster l’outil aux pratiques, plutôt que les pratiques à l’outil6 (ou du moins, à la marge). À l’instar de Arthur Perret, j’ai adopté (depuis de nombreuses années), une approche « low-tech » (basée sur la génération de pages statiques légères) plutôt que « base de données » de mon écriture web.
De même, en tant que chercheur en sciences sociales, mon matériau de prédilection est le discours. Ainsi cette expérimentation autour de l’écriture numérique peut être un prolongement de mes travaux de recherche. Ainsi, si certains chercheur⋅e⋅s privilégient la forme filmique en guise de valorisation de leurs travaux, je me sens plus à l’aide au sein du format « web », avec ses différentes possibilités multimédias et son hypertexte.
Conclusion : qui vivra verra !
En conclusion, je vois ce carnet comme un espace d’expérimentation, tant technique qu’intellectuelle. Comme toute expérimentation, on sait d’où on part, mais jamais où on va.
La réflexion pour lancer ce blog est le fruit de plusieurs mois/années de réflexion. L’idée d’ouvrir un carnet de recherche date en effet du master. Mais, à l’époque, je me ne sentais pas assez légitime pour avoir un tel support. L’idée est réapparue au début de ma thèse, et, quelques mois après, après moult réflexions sur la forme qu’il pourrait avoir, mais aussi après moult observations in situ du milieu de la recherche, je décide enfin de me lancer.↩︎
Un exemple récent venait d’une discussion entre deux doctorantes de mon laboratoire, partageant leur expérience de réponse à un appel à contribution, exercice qu’elles n’avaient jamais pratiqué et de la difficulté de communiquer avec peu de matériaux à présenter. Le fait de présenter une expérience permet de se sentir moins seul.↩︎
Malheureusement plus en quantité qu’en qualité…↩︎
Pour en savoir plus sur les flux de syndication. En guise de lecteur, vous pouvez utiliser Zotero ou FreshRSS, le logiciel que j’utilise.↩︎
J’ai vraiment du mal avec l’interface d’édition Gutenberg de Wordpress et le WYSIWYG en général.↩︎
En somme, j’expérimente à mon échelle la construction d’un système sociotechnique d’écriture numérique.↩︎