Le carnet de recherche, alternative aux réseaux sociaux ?
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Mon dernier billet questionnait la dépendance des réseaux sociaux, notamment de Twitter et de LinkedIn, dans la constitution de l’identité numérique du chercheur. Je proposais ainsi un retour aux les carnets de recherche, sans pour autant abandonner les autres canaux possibles, incluant les réseaux sociaux.
Les carnets de recherche
Les carnets de recherche, ce sont tout simplement des « blogs » scientifiques, où un chercheur (au sens large : du mastérant à l’ingénieur de recherche, en passant par le doctorant, le post-doctorant ou un chercheur plus établi) ou une structure (laboratoire, projet de recherche, collectif) va communiquer de manière large sur sa recherche (actualité, réflexions, etc.). Le « carnet de recherche » est ainsi un blog, utilisé dans un contexte scientifique. Ce terme a été forgé par Marin Dacos et Pierre Mounier :
« C’est bien un mode de communication qui s’apparente au blog, mais dans un contexte professionnel de recherche et qui est complètement intégré aux pratiques de communication liées à la recherche. Et donc on a essayé de trouver un terme qui essayait de rendre compte de cette double affiliation. Et du coup le mot « carnet de recherche » est apparu parce qu’il s’apparentait assez fortement aux cahiers de terrain par exemple que les sociologues ou les anthropologues peuvent avoir, ou à ces carnets de notes que les chercheurs, dans les différentes disciplines des SHS utilisent pour prendre des notes en cours de recherche. ». Pierre Mounier, émission REC, 25 novembre 2011 in (Faury, 2011).
L’écriture sous ce format est moins souple que sur un blog classique : journal de bord de la recherche, veille scientifique, publicité d’évènements scientifiques, compte rendu… : bref, de la communication scientifique, sous une forme plus informelle que les formats classiques académiques, pour rendre visible la cuisine d’une recherche en cours (Petermann, 2015 ; Blanchard, 2017). En plus de produire du contenu, ces blogs sont vus comme des lieux de conversation scientifique (Dacos, Mounier, 2010).
Le blog, donc, permet de partager une veille scientifique, de publiciser les actualités scientifiques, de faire de la médiation scientifique (en montrant la cuisine interne), fait office d’échanges plus informels, à travers des billets faisant part de la réflexion de la recherche en cours et en montrant les ficelles du métier : nous avons les quatre usages du réseau social définit précédemment dans la recherche. Concrètement, les carnets peuvent être, et c’est la thèse que je défends ici, une forme de réseau social pour chercheur. Il peut être également un support de son identité, en y adjoignant une page présentant son parcours et ses publications.
Créer un carnet est relativement simple. Sous réserve d’appartenir à une structure académique, il est possible de créer un carnet sur Hypothèses. D’autres, à l’instar d’Arthur Perret, de Olivier Ertzcheid ou de moi-même, peuvent préférer une autre solution, pour des réseaux techniques par exemple.
Les considérations épistémologiques sur la légitimité scientifique d’un carnet, tant sur une plateforme (un carnet Hypothèses sera-t-il plus reconnu qu’un carnet hébergé ailleurs ?), ou sur la forme du discours dépassent ce propos. Je voulais simplement souligner, dans cette partie, de l’importance du blog scientifique dans les pratiques scientifiques, comme quelque chose de relativement ancien et de structuré, avec de nombreux guides sur le blogging scientifique et une vitalité relativement présente (nombre de doctorant⋅es ont leur propre carnet).
Les flux web
Il peut être difficile de regarder tous les jours les blogs, en attendant une nouveauté. Pour résoudre cette aporie, il a été inventé les Flux web, fondé sur les technologies RSS ou ATOM. Pour dire de manière simple, c’est un fichier XML contenant les informations d’un contenu (notamment titre, auteur, date, contenu). On va rentrer l’adresse de ce fichier dans un « aggrégateur », qui va alors chercher automatiquement les nouveaux contenus, et vous l’afficher. C’est un gain de temps appréciable : je suis personnellement plus de 800 sources (pas seulement pour un usage professionnel, je vous rassure !). Les flux web permettent non seulement de lire des blogs et journaux en ligne, mais peuvent également servir à suivre des revues scientifiques (journals OpenEdition, Cairn et Erudit.org et les principaux éditeurs ont des flux web par exemple) ou être utilisé avec des alertes Google Scholar. Il existe un bon nombre d’agrégateurs de flux web, incluant Zotero. À titre personnel, j’utilise FreshRSS mais il existe une myriade d’outils. N’hésitez pas à vous tourner vers votre service de documentation pour avoir plus d’ample renseignement sur son utilisation dans le monde académique.
Déplateformiser le web
L’utilisation plus générale d’Internet s’oriente vers celle d’une concentration envers des « silos », c’est-à-dire l’utilisation de services de plateformes de grandes entreprises. Cette concentration est discutable. À l’échelle professionnelle, il est possible de sortir, ou du moins de réduire sa dépendance à ces plateformes, en utilisant des technologies éprouvées. Si ces dernières sont particulièrement connues, il m’a semblé intéressant de rappeler leur existence et leur pertinence.
Une des forces des réseaux sociaux, cependant, a été celle de découvrir des comptes, à travers des algorithmes de suggestion. Je voudrais proposer, en guise de conclusion, qu’on renoue avec une tradition ancienne des blogs, celle du blogroll : partagez les carnets de vos collègues et ami⋅es, pour nous permettre de découvrir d’autres contenus intéressants !
BLANCHARD, Antoine, 2017. Les blogs de science dans la recherche et la médiation scientifique : pourquoi, comment et pour qui ? In : NETZER, Michel (éd.), Les sciences en bibliothèque [en ligne]. S.l. : Éditions du cercle de la librairie. Collection Bibliothèques. p. 265. Disponible à l'adresse : https://hal.science/hal-01527122.
DACOS, Marin et MOUNIER, Pierre, 2010. Les carnets de recherche en ligne, espace d’une conversation scientifique décentrée. In : [en ligne]. S.l. : Albin Michel. p. N/A. [Consulté le 25 août 2023]. Disponible à l'adresse : https://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00439849.
FAURY, Mélodie, 2011. Le « carnet » de recherche [en ligne]. Billet. décembre 2011. S.l. : s.n. [Consulté le 25 août 2023]. Disponible à l'adresse : https://infusoir.hypotheses.org/1984.
PETERMANN, Damien, 2015. Les carnets de recherche, présentation [en ligne]. Billet. avril 2015. S.l. : s.n. [Consulté le 25 août 2023]. Disponible à l'adresse : https://enthese.hypotheses.org/1519.