De l’usage des réseaux sociaux dans la recherche

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L’actualité récente de Twitter, avec son changement d’image de marque en 𝕏 questionne l’usage de ce réseau social, et pousse certains, à l’instar de Damien, à le quitter progressivement.

À l’instar de nombreux chercheurs, mon usage de ce réseau social fait partie de mon quotidien, s’inscrivant dans une trajectoire numérique tant professionnelle que personnelle, et où les réseaux sociaux font partie intégrante de l’outil de travail en recherche, à travers différents usages :

  • Un outil de veille, permettant aux chercheurs d’une communauté de partager le fruit de leur curation ;
  • La possibilité de « publiciser » nos propres actualités scientifiques, telles que la sortie d’un article, ou la participation à un colloque ;
  • La possibilité de faire de la médiation scientifique. À travers ce réseau, j’ai eu la chance de lire de nombreux contenus intéressants ;
  • Avoir un espace « machine à café virtuelle », permettant des échanges plus informels, partageant des conseils, des questions, etc.

Il ne faut pas négliger la force de ces outils, notamment pour de jeunes chercheurs visant à se faire un réseau et échangeant avec d’autres chercheurs, dans un cadre plus informel et peut-être moins intimidant que d’autres cadres institutionnels (colloques, etc.). Du fait de ma présence numérique, j’ai été invité à un évènement par un chercheur. Je vois ainsi comme un outil permettant d’accélérer la mise en relation, par rapport à un rythme plus lent qu’est la publication d’articles ou la participation à des colloques. En somme, les réseaux sociaux sont une extension des réseaux scientifiques, en proposant d’autres formes de relations sociales.

Si on ne va pas s’apitoyer sur la mort de Twitter — les réseaux sociaux naissent et meurent —, il peut être intéressant de réfléchir nos usages, pour assurer une pérennité plus grande, et qui n’est pas garantie dans le cadre d’une entreprise capitaliste devant gérer des impératifs avant tout.

À mon sens, il est possible d’imaginer des alternatives avec des outils existants, bien qu’il existe des limitations. Par exemple, les listes de diffusion par courriel sont des outils très puissants pour la publicisation, mais ne permettent pas des échanges plus informels (souvent modéré lorsqu’elle s’adresse à toute la liste). Le partage de la veille et des réflexions peuvent se faire par l’usage des blogs. Cependant, écrire un billet n’est pas la même même chose qu’écrire un tweet, ne serait-ce qu’un billet demandant d’écrire de manière plus structurée et développée, ne permettant pas d’échanger en quelques mots. De même, je constate un relatif déclin de l’usage des blogs et du RSS, pourtant bien pratique pour diffuser sa veille. On peut également imaginer utiliser des réseaux sociaux alternatifs — Mastodon ou LinkedIn —, mais impliquant un morcellement et un éparpillement de ces usages, rendant d’autant plus chronophage leur utilisation.

Néanmoins, il me semble nécessaire de combiner ces différentes pratiques, malgré leurs limitations, afin de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier et éviter d’être tributaire d’une plateforme en particulier. À titre personnel, si je continue à faire ma veille sur mes différents réseaux (agrégateur RSS, Twitter, Mastodon, LinkedIn), je partage ma veille de manière systématique sur Mastodon (et un peu LinkedIn). Je publicise sur mes différents réseaux (pour toucher un public plus large). Quant aux espaces de discussions, l’usage de Twitter est en train de se faire remplacer par Mastodon et quelques serveurs privés sur Discord.

Cependant, je pense que le cœur du problème est bel est bien la durabilité de nos traces. Il faut considérer ces interactions sur les réseaux sociaux comme éphémères : si on souhaite conserver des traces, il est nécessaire de réserver des contenus plus qualitatifs et visant à rester dans le temps sur des espaces numériques où nous avons la main, c’est-à-dire nos sites personnels. À ce titre, je suis de plus en plus convaincu que la philosophie du POSSE1, visant à écrire chez soi, et à diffuser par la suite sur les réseaux.

Les transformations de Twitter en 𝕏 pousse ainsi à repenser les usages du chercheur en ligne, rappelant que les réseaux sociaux et autres services numériques sont par nature éphémères. Si un grand nombre de chercheurs — moi le premier — vont continuer à utiliser l’oiseau bleu jusqu’à son naufrage (ne serait-ce pour garder le contact), il faut néanmoins réfléchir à des alternatives permettant ces échanges : cela passe d’une part par l’utilisation de réseaux alternatifs — en premier lieu Mastodon qui fait également du microblogging2 —, mais également à une relocalisation sur un « site à soi » de certains contenus, et où on serait plus facilement maître en la demeure.

Édit du 31 juillet 2023 : Ce billet de blog revient sur l’impact de ces changements pour les universitaires. Il craint – comme moi – une fragmentation des usages, et demande un support des universités pour gérer des réseaux numériques.


  1. Indieweb propose deux paradigmes : le PESOS — où on importe sur notre site des contenus externes — et le POSSE – où on exporte les contenus de notre site.↩︎

  2. J’ai une certaine frilosité concernant Threads. Hormis les problèmes de RGPD que pose le site, j’ai une certaine réticence de la concentration des réseaux sociaux au sein d’une seule et même entreprise, Meta.↩︎


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