Télé-terrain
Publié leLa pandémie du Covid-19 a modifié nos rapports à la spatialité, en restreignant fortement nos déplacements. Ces restrictions se sont manifestées de différentes manières, avec une difficulté d’obtenir des ordres de mission, la difficulté de voyager à l’étranger, ou un confinement, avec une valorisation importante du télétravail. Bref, dans tous les cas, cette pandémie réduit de manière importante la mobilité du chercheur.
Ce second confinement (fin octobre 2020) marque pour moi le début de ma phase de terrain. Or, pour les géographes entretiennent un rapport particulier au terrain. Ce rapport au terrain est constitutif de l’éthos du géographe, qui doit expérimenter « par les pieds », de manière quasi initiatique. Dans ma formation de géographe, le terrain a eu un rôle crucial, tant les « sorties terrains » faisait partie de ma formation. Ainsi, le terrain joue un rôle important dans mes pratiques et dans l’imaginaire collectif au sein de la communauté des géographes.
Sauf que… Confinement. Et tout le monde au télétravail, zou ! Ainsi, je me plie aux contraintes, et je fais du « télé-terrain ». Mon terrain étant essentiellement des entretiens, je me suis adapté, à travers l’utilisation de la visio/téléphonie. J’avais déjà fait une revue de littérature à ce sujet, mais j’aimerais vous partager mon expérience. De manière concrète, j’ai eu des entretiens en visioconférence et par téléphonie. L’enregistrement s’est fait à l’aide d’un dictaphone (solution de bricolage, mais je m’assurais de l’enregistrement). Cette méthode, si elle est du bricolage et « fonctionne », n’est pas forcément optimum. « Faire terrain » à distance est un fantasme. Nous ne pouvons pas faire de la géographie depuis son bureau, comme faisait le géographe du Petit Prince, sans le risque de faire une recherche de moins bonne qualité. Comme on ne peut pas réduire le territoire à la carte, on ne peut pas réduire la réalité à quelques entretiens téléphoniques ou à des bases de données, il manquera toujours le contexte. Il manquera toujours l’imprévu, l’informel, la discussion impromptue qui éclairera une partie de la réalité. Il manquera toujours la confrontation des hypothèses avec la réalité. Bref, il me semble illusoire de faire uniquement du télé-terrain, il est parfois nécessaire de revenir in situ, de se ré-ancrer.
« La connaissance géographique a pour objet de mettre en clair ces signes, ce que la Terre révèle à l’homme sur sa condition humaine et son destin. Ce n’est pas d’abord un atlas ouvert devant ses yeux, c’est un appel qui monte du sol, de l’onde ou de la forêt, une chance ou un refus, une puissance, une présence » (Dardel, 1990 [1952], p. 2-3 in Raffestin (1987) )
RAFFESTIN, Claude, 1987. Pourquoi n’avons-nous pas lu Éric Dardel? In : Cahiers de géographie du Québec [en ligne]. 1987. Vol. 31, n° 84, p. 471. [Consulté le 20 septembre 2017]. DOI 10.7202/021898ar. Disponible à l'adresse : http://id.erudit.org/iderudit/021898ar.